CENDRES, RÉVERSIBLES 



Chant compressé I

Premièrement,


Je raconterai l’histoire en parlant, ça ira mieux.

Voici l’histoire :

Mon dieu, par où commencer,


une clinique dans les vallées où l’argent l’immortel,

la splendeur et l’extrême cendre,

l’indifférence extension du jour –

l’appât des affranchis et de leurs particularities.


Cela ira mieux, qu’on leur disait dans l’hélico,

qui dira, ces voix pas miennes :

dans le ciel qui étend sa lumière sur les Adelphes,

                    descendre d’une gloire pour témoigner de ce-que-j’ai-vu?


Tel est celui qui voyait en rêvant.


De façon très privée nous vous traiterons, disait-on.

Où êtes-vous? disait-on.


Nous avons rasé arbres, pâturages & pierres décaties

exposant leurs grenats,

la clinique construite à force de personnes sur ces plaines nouvelles

lieu révolutionnaire d’épure parmi l’éternelle santé.


Les végétaux noircis,

sécheresse du regard qui embrasse le domaine

nouvellement acquis.


Vraie vie n’est pas sans cause :

elle a renié nos capitaux larvés par très-haute lumière +

versé la cendre légère sur nos têtes.

& voici que les Adelphes se sont précipité-es.


Où êtes-vous? disait-on.

Nous nous cachons sans savoir par passion de vos ignorances,

pour vie extrême nous employons moyens sublimes,

dérisoires

                    dispendieux.


Adelphes qui contemplaient sans aide

le bilan d’une perpétuelle longévité –

le corps qui est le leur, celui maudissant les autres, déchus

muets claquemurés dans la fatigue.




Chant compressé II

Deuxièmement,


doutes sur la résurrection par la médecine contemporaine.

Chaque aspect de santé crie symptômes :

                                               SYMPTEAUMES


cinq étoiles se jetant dans leur accident,

la consumation du jour détournée.


Les Adelphes descendaient de l’hélico :

attendaient la venue des corps,

& enjambaient ce qu’exécutait la parole

                                               (sans armes blanches).

Cultes, chimères & coercitions sympathiques.


Rage et contrôle.

Punir l’impasse : la peau et ses orifices.

Repas prémédités dans les lois de l’univers.


            …


La venue des corps glorieux à transporter,

nimbes et éternités de glaçage (sans gras),

évaluées (sans bruit).

Sommeil de seize heures ininterrompu.


Et immodéré.


Oui, à la levée du jour : c’est l’aube

ce que l’on coupe avec la pression artérielle saine,

le bonheur à l’isomorphie d’un verre d’eau

coulant sur la nappe cirée de l’enfance.


Ô mais que dit-on? La source coule le sang

et la renverse des cendres,

                    désirée.


Si complexe apparaissait le maintien du corps

lorsque les Adelphes parlaient aux anthropologues

d’extase + d’immortalité

prises à leur source bénigne marathonienne.


Bonté du cœur lorsqu’il bat 

au rythme d’une douleur chronique.

Le silence du corps qui jouit de son tacet,

le sel aux lèvres abandonnées.


            …


Les Adelphes doivent bien manger, disait-on.




Chant compressé III

Troisièmement,


Les Adelphes ont chassé chèvres, moutons et cerfs des landes.

Végétarianisme,

la bienveillance qui devance la demande

la peur qui est costume d’éviter le mal par le sacré mal.


L’âme qui dit les chiffres du sang

ne ment jamais.

Et l’amour sécrétant l’envers diététique de son verbe,

et l’amour donnant ce qu’elle n’a pas                     faim.


Le corps qui m’éprouve affligé de vie,

repu par les banquets qui toquent ;

côlon irritable & maltraité par le moteur des hélicos

volant au cœur des pâturages.


Regard ligoté aux lendemains,

mais quel silence, oui – (!)

parmi végétaux aux couleurs vives cueillis dans le humus.

Le chant géorgique des échines laborieuses

courbées par le soleil.


            …


Pas de vie bonne dans un monde mauvais, disait-on.


Iels ont cassé les pierres pour en extraire

le nouveau royaume,

là où la santé règne, infatigable d’infinis lendemains.


On écarte les rideaux.


Pas de cérémonie aucune,

la clinique vit bonne dans le souffle libéré par la pioche.




Chant compressé IV

Quatrièmement,


œuvre de nature est qu’Adelphes parlent

d’élargissement de leur jouissance;

le corps épanouit est un corps qui jouit, disait-on.


Pas de secret aucun, la clinique

offrait au corps le camp de sa propre concupiscence

le sens de son immortalité :

pas d’jouissance si elle n’est pas sans fin la jouiss’!


            …


Ça ira mieux sans entraves, et pour ça

les Adelphes ont besoin des + belles + rares ressources :

On entendait : rasez piochez coulez bâtissez (quatre z à la deuxième personne du pluriel),

                    dans le clair du ciel battu par les hirondelles.


Mais je ne peux pas jouir, entendait-on encore –

rien ne réfrènerait la multiplication des jouiss’.

Et que goutte à goutte l’écœurement,

dans le sel de ses plissures le sexe-agrammatical.


De la clinique, le lac artificiel était froid comme l’amour,

là qu’iels se ragaillardissaient

parmi l’éclatant espoir de chair renouvelée,

et tour à tour les Adelphes se choisissaient.


            Tu tu tu tu


Porno de riches,

lumière bleutée de l’hygiène dans l’élargissement

de la jouiss’ : générique final de l’anhédonie.

                    (Tirez les rideaux).


Qui dit montagne crie avalanche : une question de contexte.



Chant compressé V

Cinquièmement,


La neige couvrait la terre

et les colonnes du Kapital.

Les Adelphes avaient repris leur vie

guérie des plaies financiarisées de l’ennui & des ambitions.


La clinique agissait comme une voix basse

pour la notoriété sans enfance,

le corps déchaîné de sa propre mal-veillance.


Bienheureux sourire des acquis privés,

privés de l’immortalité.


Ô chiendent fourré dans la bouche chantante

sans importance autre que la cure.

Celleux qui vous ressemblent

attendent de ne pas mourir à leur tour.


            …


Ne vous contentez-vous pas de ce que vous avez toujours eu,

disait-on,

de votre mauvaise infinité œuvre de destruction.


La neige couvrait terre + plaines

et faisait ployer les mélèzes.


Sous les arbres, les Adelphes débutaient

leur chorale de fin de cure.


Un monde malade doit avoir son Asile

qui se braque contre la vie –

les Adelphes en ont grassement profité.


Les corps évalués

puis pétrifiés

puis épurés se

distinguent par la joie hiérarchique.


Laissez sur elleux les projecteurs et

allumez les caméras, que l’on voie la ligne de partage

qui les sépare éternellement                     du reste.


Montrez l’évidence :

de ne pas mourir à leur tour.